Etienne Gheeraert, chercheur à l’institut Néel (CNRS) et enseignant à Polytech Grenoble INP, UGA a reçu le Prix Etoile de l’Europe des mains de Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur de la Recherche et de l’Innovation le 2 décembre 2021, pour le projet européen GreenDiamond.
Alors que le silicium domine encore largement le marché du semi-conducteur, le carbone pourrait bientôt s’y faire une bonne place avec le graphène, les nanofils de carbone et... le diamant !
Financé par l’UE et coordonné par le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), le projet GreenDiamond avait pour objectif de développer un convertisseur à base de diamant pour transporter l’électricité produite par les parcs éoliens offshore. Ces derniers utilisent deux convertisseurs haute tension contenant traditionnellement des dispositifs électroniques au silicium. Or, si le silicium est bon marché, c’est un matériau médiocre pour conduire l’électricité à haute tension, ce qui conduit à des pertes importantes lors du transfert. En comparaison, le diamant présente de nombreux avantages.
« A épaisseur égale, la tension supportée par le diamant est environ 30 fois supérieure à celle supportée par le silicium, » explique Etienne Gheeraert, chercheur UGA à l’institut Néel et enseignant à Polytech Grenoble INP, UGA. « Ainsi, à tension constante, le composant en diamant peut être 30 fois plus fin que celui en silicium. Cet affinement le rend également plus conducteur, démultipliant encore la réduction des pertes. »
Dans les petits convertisseurs de puissance utilisés dans les téléphones par exemple, les pertes existent mais ne sont pas rédhibitoires. Dans les convertisseurs plus importants en revanche, des alternatives au silicium sont à l’étude. C’est le cas du GaN pour les petites puissances grand public et du SiC, qui commence à s’implanter dans le véhicule hybride haut de gamme et dans certains convertisseurs industriels. Le diamant sera compétitif sur des applications de plus hautes puissances, comme le rapatriement de l’énergie électrique produite par les parcs éoliens offshore.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le diamant peut être produit industriellement à des coûts non rédhibitoires. Depuis les années 1970, on sait le fabriquer par « déposition chimique en phase vapeur ». Industrialisé, le procédé a été récupéré par les joailliers il y a quelques années.
Pour les besoins du projet, les chercheurs ont utilisé des wafers de diamant sur lesquels sont déposées des couches de diamant aux propriétés électroniques adaptées. Ces travaux ont donné naissance en 2019 à la start-up Diamfab, hébergée à l’institut Néel, dont le cœur de métier est de fournir aux industriels des plaques de diamant prêtes à être utilisées dans les salles blanches de la filière silicium.
Partant de là, les différentes briques d’un convertisseur de puissance ont pu être réalisées. Les premières évaluations suggèrent que les dispositifs d’alimentation en diamant ainsi obtenus sont quatre fois plus efficaces que les convertisseurs traditionnels au silicium, entraînant une réduction potentielle de 75 % des pertes d’électricité. « Tous les systèmes électriques à haute puissance peuvent économiser de l’énergie en utilisant des dispositifs en diamant, » souligne Etienne Gheeraert. « Les applications pourraient inclure les lignes électriques longue distance, l’aéronautique et les convertisseurs industriels, ou encore la production d’hydrogène, laquelle nécessite une énorme quantité d’énergie électrique. »
L’objectif est désormais de susciter l’intérêt des industriels, car le diamant est toujours associé aux produits de luxe et à des prix élevés. Pourtant, le marché du diamant, qui est actuellement conditionné par le prix auquel sont prêts à payer les joailliers, pourrait être bouleversé par la séparation prochaine des marchés du diamant pour l’industrie et du diamant pour la joaillerie. « Cette séparation fera automatiquement baisser le coût du diamant pour l’industrie, lui ouvrant de belles perspectives en tant que semi-conducteur. »