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NON, l’IoT n’est pas simple !

Par Isabelle Jarniou, Eurotech France

Publication: Novembre 2019

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L’IoT Industriel : quelques mises en garde pour ne pas tomber de haut...
 

Le concept, lui, est simple, l’Internet des Objets (IoT) en résumé c’est : récolter de manière automatique et régulière des données terrain (capteurs, données machines, diagnostics automatiques, logs…), les traiter pour les valoriser sous forme de nouveaux services ou d’optimisations de process. L’IoT c’est la promesse de nouveaux gisements de revenus dans tous les domaines industriels, mais cette promesse n’est pas synonyme de facilité. Alors que les études constatent enfin la progression tant attendue du côté des applications industrielles, il est temps de briser un tabou : l’IoT est un concept simple dont la mise en oeuvre est particulièrement complexe. Connecter le monde physique et le monde numérique provoque un véritable choc des cultures : les contraintes de l’un sont inconnues de l’autre et vice versa, les experts de l’un ne parlent pas le langage de l’autre, c’est l’art de construire un pont entre deux univers technologiques qui jusqu’à peu ne communiquaient pas.

Encore une fois, il est important de bien distinguer le monde de l’IoT « consumer » et celui de l’IIoT (Industrial Internet of Things) : pour un même concept, deux réalisations bien distinctes.

Depuis des années maintenant, l’IoT « consumer » connecte les objets du quotidien pour nous « faciliter » la vie (thermostats connectés, alarmes…), nous rassurer (colliers animaux domestiques, trackers en tout genre) ou nous pousser à améliorer notre hygiène de vie (montres, balances, capteurs de qualité de l’air…). Cependant qui n’a jamais pesté contre ces nouveaux objets pourtant si prometteurs ? Réappairer son réveil connecté à 2h du matin, réinitialiser la connexion Wifi de son thermostat, recharger sa montre avant son footing, voir son application favorite disparaitre après la fermeture de la startup créatrice de l’objet (ma lampe/réveil HOLI me manque tellement), se voir terrorisé(e) par la proposition de sa balance de publier son poids sur twitter (qui fait ça ?) ou s’horrifier des failles de sécurité de la tablette connectée du petit dernier deviennent nos nouvelles tracasseries quotidiennes.

Si de manière générale ces problèmes n’engendrent que de l’inconfort ou de la frustration, ils démontrent très clairement que la fiabilité des objets IoT requiert un peu plus d’efforts dans leur design hardware, leur débogage logiciel et leur niveau de cybersécurité.

Très tôt les usages de l’IoT dans les milieux industriels ont semblé pertinents (Gartner, McKinsey)… mais dans les études pour commencer… les aléas potentiels dus à la jeunesse des réseaux LPWAN (LoRa/Sigfox), l’attente de réseaux cellulaires moins gourmands (LTE-M et maintenant 5G), la non-maitrise de la cybersécurité ou des technologies IT pures (Cloud, Virtualisation…) ont largement ralenti la progression de l’adoption de l’IoT dans les process industriels.

De plus, toute application industrielle, quel que soit son secteur, doit répondre à des impératifs communs : FIABILITE, ROBUSTESSE, PERENNITE, MAINTENABILITE, DISPONIBILITE… et bien d’autres, loin de la proposition actuelle de l’IoT « consumer »…

La mise en oeuvre du concept simple de l’IoT est donc bien plus complexe qu’il n’y paraît car contrairement au monde purement informatique (IT) une application IoT dans un environnement industriel doit prendre en compte le contexte global du projet : contraintes physiques liées à l’environnement d’utilisation, contraintes normatives du secteur d’activités, géographie du déploiement, cybersécurité, ainsi que toutes les exigences contractuelles de disponibilité, maintenabilité, fiabilité… les applications IoT ne dérogent pas aux standards de performances attendus dans l’industrie.

Les applications IIoT (Industrial Internet of Things) s’appréhendent donc sérieusement, côté matériel, logiciel, sécurité… et budget ! Le Low Cost n’a pas sa place dans de tels projets et voici pourquoi avec les explications de quelques pièges à éviter pour ne pas tomber de haut.

L’ENVIRONNEMENT : Source de contraintes, de normes et … de normes

La grande majorité des appareils connectés évoluent en milieux extérieurs (véhicules, engins), ou spécifiques (milieu médical, milieu industriel), contraints (températures extrêmes, humidité, projections, vibrations, chocs.)…. Récolter les données sur le terrain nécessite donc du matériel adapté à chaque configuration avec ses propres contraintes environnementales et normatives.

Pour exemple, dans le milieu ferroviaire, les applications liées à la maintenance des équipements sont nombreuses, ici le secteur impose la certification EN50155 qui définit les paramètres standards pour la température, l’humidité, les chocs et les vibrations, la CEM, l’alimentation électrique des systèmes électroniques installés dans les trains et implique des contraintes non anodines au niveau hardware. S’ajoute d’office la certification "feu et fumée" : la norme EN45545 qui harmonise les différents systèmes de gestion des trains afin de faciliter l’interopérabilité des transports à travers l’Europe.

En environnement « automotive » (engins de chantier, véhicules agricoles…), la certification E-Mark sera nécessaire et la norme SAE/J1455 bienvenue (pratiques environnementales recommandées pour la conception d’équipement électronique dans les véhicules lourds).

Chaque milieu industriel implique une conformité à des normes répondant à ses problématiques environnementales propres mais également à certaines contraintes en termes de règles de design ou de management de la qualité. La norme EN50126 (RAMS) définit un processus de développement de produit standardisé et applicable à l’ensemble des acteurs du secteur ferroviaire quand la norme EN13485 est l’adaptation du modèle procédural de l’ISO9000 à un environnement de fabrication de dispositifs médicaux réglementé… Les designs hardwares comme softwares peuvent donc être soumis à des contraintes de développement oubliées (ou inconnues) dans la précipitation et l’euphorie d’un POC IoT révolutionnaire.

Pour chaque secteur, l’architecture matérielle et logicielle des applications IoT doit donc répondre à des normes et certifications différentes mais qui dépendent également de la géographie de déploiement : voyons comment les contraintes liées aux émissions radio compliquent encore le tableau…

LES CERTIFICATIONS RADIO : la valse des étiquettes

En Europe, la mise sur le marché de produits de radiocommunication entre dans le cadre du marquage CE à travers la directive RED 2014/53/UE, aux Etats-Unis, la protection et gestion du spectre des fréquences est du ressort de la FCC, au Canada c’est ISED, au Japon le VCCI, en Chine le CCC… Les exigences en termes de spécifications radio sont un préalable à la commercialisation dans le monde de tous les équipements dotés d’un émetteur et chaque pays peut imposer sa propre certification. L’IoT reposant essentiellement sur les moyens de communication sans fils, la partie administrative qui attend les projets peut être un vrai casse-tête. En Europe, l’harmonisation est de mise avec la Directive RED mais dans le reste du monde, des certifications supplémentaires s’appliquent : aux US les systèmes doivent être certifiés PTCRB pour chaque opérateur (AT&T, Verizon)… schéma identique au Japon… sans parler de la Chine qui empile les certifications nécessaires à toute importation de produits Radio (CCC+NAL+SRRC).

Si l’aspect Roaming a été résolu par les offres de cartes SIM multi-opérateurs Monde à des coûts raisonnables, la connectivité reste LE point délicat à adresser. Les certifications liées aux technologies Wireless quelles qu’elles soient affectent tous les projets à dimensions internationales et les efforts tant financiers qu’administratifs peuvent être très lourds.

LA PERENNITE : à l’opposé de l’IoT « consumer » !

Si dans le monde consumer, les objets connectés sont remplacés facilement dès qu’un nouveau modèle est disponible, dans l’industrie la longévité du matériel est un point primordial. Les acteurs de l’IoT Industriels doivent pouvoir assurer les 10 ans de pérennité souvent demandés dans les appels d’offres. A l’heure de l’évolution ultra rapide des technologies utilisées en IoT, la gestion de telles exigences requiert une gestion de l’obsolescence pointue avec des coûts associés à prendre en compte. Si les composants hardwares sont les premiers concernés, les logiciels embarqués ou même les technologies utilisées dans le Cloud peuvent être touchées par des arrêts d’évolution ou de support. Ainsi, les solutions logicielles basées sur des briques Open-Sources sont rassurantes car elles minimisent le « Lock-In » d’une solution purement propriétaire. Certains grands acteurs viendront jusqu’à demander la propriété intellectuelle de la solution comme « assurance sur l’avenir » : dans ce cas l’exercice devient purement juridique, mais un travail minutieux et des compromis permettent de préserver son savoir-faire tout en accédant aux prérogatives imposées par les projets aux longs cours.

L’HYPER TECHNICITE DE L’ARCHITECTURE : une myriade de compétences nécessaires

On parle souvent de l’Objet lorsque l’on évoque l’IoT mais l’aspect logiciel, qu’il soit embarqué ou dans le Cloud est des plus complexes. Il faut maitriser les logiciels et OS embarqués d’une part, avec ses divers langages de programmation (C++, Java, Python selon les écoles…), tout en maitrisant la partie déportée dans le Cloud (qu’il soit Public ou Privé). Ici on parle de machines virtuelles, de containers (dockers), de clusters, de bases de données complexes (noSQL) et de protocoles permettant d’échanger les données depuis le terrain et entre les différentes briques des DataCenters…

Sans oublier le sujet de la cybersécurité puisqu’il ne se passe pas une semaine sans que les news ne nous rapportent les ravages de piratages, d’attaques en déni de services, de vols de données. Se maintenir à l’état de l’art des mécanismes de cybersécurité est une activité continue qui demande une expertise précieuse et incontournables. Coté solutions déployées, des capacités de mises à jour et d’accès à distance deviennent donc indispensables pour tout correctif à appliquer ainsi que pour l’évolutivité de la solution pendant son cycle de vie.

Attention aux dispositifs déployés et non modifiables à distance… si la valeur de la solution repose souvent sur le « Data Management », c’est le « Device Management » qui permettra le succès du projet dans le temps. Sousestimé dans nombre de projets aux balbutiements de l’IoT Industriel, c’est maintenant un MUST à intégrer dans les critères de sélection.

Le pilote : visez la validation technique… et économique !

On comprendra facilement que si certaines applications pilotes sont montées en partenariat avec des startups, il est à prédire que ces mêmes startups ne seront pas souvent en mesure de répondre aux exigences des appels d’offres officiels qui suivront… peu à peu l’IoT Industriel s’organise, se normalise et revient aux exigences standards applicables aux marchés adressés.

Si la phase pilote reste indispensable avant tout déploiement, elle devrait avoir une double vocation : valider la solution technique en tenant compte très tôt des impératifs liés à l’industrie concernée afin de vérifier l’équation économique réelle de manière la plus précoce possible. A défaut, de grandes déconvenues budgétaires mettront à mal l’équation économique du projet. Certains pilotes viendront alors grossir le fameux purgatoire des POCs après des dépenses bien inutiles.

Si le concept et l’intérêt de l’Internet des Objets (Industriel) sont évidents et pertinents face aux besoins des entreprises pour l’amélioration de leurs processus opérationnels ou la création de services innovants, la lumière sur la complexité de sa mise en oeuvre est faite. Ce pavé lancé dans la mare doit surtout faire prendre conscience que pour les entreprises il est plus facile de mettre en place des infrastructures IoT intelligentes avec des systèmes déjà certifiés et déployables à l’échelle mondiale que de chercher créer sa propre solution : minimisation des risques, délais de mise sur le marché réduits et coûts mieux maitrisés tout en garantissant les niveaux de performances et de services attendus !

Maintenant… il y en a qui ont essayé… et je sais qu’ils regrettent…

http://www.eurotech.com/

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