L’Observatoire annuel du Très Haut Débit d’InfraNum, construit en partenariat avec la Banque des Territoires et l’Avicca, a été présenté le 16 mai, lors du TRIP Avicca devant Patrick Chaize, Président de l’Avicca et sénateur de l’Ain et Antoine Darodes, Directeur du département Investissements Transition Numérique, Banque des Territoires / CDC, suite à l’allocution de Jean-Noël Barrot, Ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications.
Alors que 80% des locaux sont aujourd’hui raccordables en FttH, conformément aux objectifs du Plan France Très Haut Débit fixés il y a 10 ans, l’Observatoire évalue l’estimation financière et les modalités de fonctionnement de 3 réponses concrètes aux 3 problématiques qui ont conduit InfraNum et l’Avicca a appelé à un Good deal du numérique. Un pacte à trois, entre l’État, les collectivités et les industriels, pour assurer la pérennité des réseaux, l’égalité numérique et la solidarité entre les territoires. Mais aussi l’emploi dans nos territoires et l’avance de notre pays en matière de numérique.
Le plan gouvernemental est en bonne voie. À fin 2022, 34,5 millions de locaux étaient raccordables, soit une augmentation de 4,8 millions sur un an (après +5,76 en 2021).
Parmi ces prises déployées, 18,1 millions sont raccordées, soit 53% d’entre elles. On dénombre 3,7 millions de primo-raccordements fibre en 2022 et malgré les problématiques de qualité qui mobilisent la filière, plus de 12000 prises sont raccordées par jour ouvrable.
Ces chiffres placent, cette année encore, la France en tête des pays européens en termes de déploiement et de raccordement et permettent à la fédération InfraNum de représenter un écosystème d’acteurs adhérents pesant désormais plus de 40 milliards de chiffre d’affaires, répartis partout en France.
La filière a subi de plein fouet une augmentation brutale de ses coûts évaluée entre 5 et 10% en moyenne dans les contrats de construction et déploiement, parfois beaucoup plus pour les équipementiers. De nombreux acteurs, fragiles comme bien installés, ont été fortement impactés. Si des concertations se sont engagées, elles sont inégalement avancées et n’offrent pas nécessairement de visibilité à long terme. L’inflation reste donc un sujet de préoccupation général pour la filière qui accentue les inquiétudes déjà soulevées par l’inégale répartition de la valeur entre l’industrie des télécommunications et le reste de la chaîne du numérique.
L’arrêt du cuivre, support de l’ADSL représente également un nouveau défi d’ampleur. Il s’agit en effet d’éteindre d’ici fin 2030 un réseau desservant 41,8 millions de locaux ! À ce jour, 11 600 lignes cuivre ont été fermées dans le cadre d’expérimentations. D’ici 2025, plus d’1 million de lignes cuivre seront concernées, puis le rythme s’accélérera pour atteindre un pic de 10,5 millions de lignes à partir de 2028.
Après avoir revisité la devise républicaine en « égalité, pérennité et solidarité » l’an dernier, InfraNum va plus loin dans cette édition de l’Observatoire en évaluant les solutions concrètes de ce « Good Deal » qui pourraient être mises en œuvre rapidement.
L’égalité dans l’accès au FttH nécessite d’apporter une réponse aux besoins de raccordements non assouvis, notamment les 400.000 nouveaux logements à desservir chaque année et les 500.000 raccordements complexes sur l’ensemble du territoire. Alors que le dispositif gouvernemental dédié à ces raccordements complexes est désormais clôturé, les incertitudes restent nombreuses quant à la résolution de l’ensemble de ces difficultés, auxquelles s’en ajouteront probablement de nouvelles avec la fin du réseau cuivre. Une réponse à l’échelle nationale, économe en argent public grâce à la mobilisation d’investissements, devient impérative. Parmi les solutions envisageables, la plus réaliste consiste en la création d’une structure nationale d’investissement dans le génie civil, qui aurait un pouvoir d’exécution en proximité. Selon l’Observatoire, celle-ci serait en capacité de mobiliser les montants nécessaires : 1 Mds € à court terme et plus de 2,6 Mds € au total.
La pérennité des réseaux passe par leur résilience. N’étant pas suffisamment assurée aujourd’hui, celle-ci doit faire l’objet d’une planification nationale. L’Observatoire établit les premières estimations concernant les trois scénarios envisagés. Ainsi, entre 5 et 15 Mds € seraient nécessaires selon les ambitions d’enfouissement. Un fond de péréquation des réseaux optiques, comparables dans une certaine mesure à celui qui existe pour les réseaux de distribution d’énergie, pourrait être créé et alimenté par une fraction de la fiscalité existante du secteur. Le second volet de l’étude InfraNum - Banque des Territoires, consacrée à la résilience des infrastructures numériques, viendra compléter ces approches avant l’été (présentation le 4 juillet).
Les coûts d’exploitation étant plus élevés en zones rurales qu’en zones urbaines, la solidarité entre les territoires doit permettre l’équilibre économique des réseaux d’initiative publique. Cette péréquation pourrait être obtenue soit par la création du fond évoqué ci-dessus soit par l’adaptation des tarifs sur le marché de gros dans les zones rurales. Compte-tenu des données actuelles, mais fortement évolutives, l’Observatoire établit à ce jour un niveau estimé à 2€/ligne/mois sur ces territoires. InfraNum poursuit les travaux en cours pour affiner ces hypothèses.
A ce jour, près de 70.000 emplois sont mobilisés sur les chantiers du numérique. La filière continuera de créer des emplois : +33000 d’ici 2030. Pourtant, si les activités fibre décroissent, les volumes d’emploi restent élevés et la tension sur les recrutements se poursuit. Cette situation paradoxale invite à ce que des orientations claires soient prises rapidement concernant deux chantiers structurants : l’enfouissement d’une part significative du génie civil aérien et le démontage du réseau historique cuivre. Faute de quoi, une partie de la filière pourrait se reconvertir vers d’autres chantiers du secteur, voire d’autres secteurs (1/3 des entreprises déclare envisager une diversification vers des activités autres que les infrastructures numériques). Or, la filière doit se préparer aux chantiers d’avenir que sont le maintien de l’activité sur les réseaux mobiles et la forte croissance attendue des projets « smart » et de datacenters.
L’écosystème de la 5G privée se développe au bénéfice de la réindustrialisation des territoires. 15 projets sont d’ores et déjà en service en France, sans compter un grand nombre d’expérimentations. Si la technologie est porteuse et constitue sans aucun doute un bouleversement dans l’écosystème industriel, les projets nécessitent des délais de mise en production relativement longs (jusqu’à 3 ans), une acculturation des opérateurs industriels, et sont avant tout déclenchés par la démonstration d’usages simples et immédiatement efficients.
Le marché des datacenters est très dynamique en France avec 45 nouveaux projets au cours de l’année 2022, pour un parc total désormais de 352 structures.
Composé d’acteurs variés, ceux présentant des profils spécialisés d’envergure internationale sont de plus en plus prépondérants (plus des 2/3 de la surface IT totale). La France, et notamment Paris, y occupe une position d’envergure, aux côtés de Francfort, Londres, Amsterdam et Dublin. L’axe Paris-Marseille devrait encore se renforcer à terme grâce à ses ouvertures vers l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie-Pacifique. La façade Atlantique accueille également un grand nombre de câbles sous-marins, reliant l’Europe au reste du monde.
Fort du diagnostic précis posé par cet Observatoire, quant aux défis du secteur, InfraNum estime que l’ensemble des acteurs concernés doit désormais se saisir des enjeux pour faire du plan France Très Haut Débit un véritable succès.