Alors que l’industrie manufacturière mondiale subit un changement de paradigme sous l’effet des tensions géopolitiques, des exigences climatiques et de l’accélération de l’automatisation, les chaînes d’approvisionnement sont redéfinies et les technologies numériques continuent de jouer un rôle important dans le renforcement de la résilience industrielle. Mais au milieu de cette évolution se trouve une échéance invisible qui approche à grands pas.
La cybersécurité, autrefois considérée comme une fonction d’arrière-plan, est en train de devenir la première ligne de la continuité industrielle. À mesure que nous construisons des usines toujours plus connectées, que nous numérisons davantage de flux de travail et que nous intégrons des chaînes de valeur mondiales, une question essentielle se pose : sommes-nous prêts à protéger ce que nous sommes en train de construire ?
Nous ne parlons pas de menaces abstraites ou de risques hypothétiques. Les cybermenaces ne se limitent plus au code, elles deviennent physiques, frappant le cœur même des opérations industrielles. Aujourd’hui, les attaquants ne se contentent pas de voler des données, ils mettent la production hors service. Ils s’infiltrent dans les technologies opérationnelles, infectent les systèmes de contrôle industriel et utilisent des armes pour perturber les opérations. La cible n’est pas toujours la salle des serveurs. Souvent, c’est l’atelier.
Par exemple, en juin 2024, une attaque par ransomware d’un important fournisseur de logiciel de gestion a entraîné un gel temporaire des activités de près de 15 000 concessionnaires automobiles aux États-Unis. Cette attaque a paralysé les ventes, perturbé les réparations et semé la panique dans un secteur qui pèse 1 200 milliards de dollars.
En Inde, une seule cyberattaque a contraint un grand constructeur automobile à interrompre sa production, provoquant une onde de choc dans ses réseaux de vendeurs et de concessionnaires.
En 2017, Saint-Gobain, leader mondial français dans la production, la transformation et la distribution de matériaux, a été victime de la cyberattaque NotPetya, qui a provoqué un arrêt de ses activités de production et engendré des pertes estimées à environ 220 millions d’euros.
En 2021, le groupe pharmaceutique et dermo-cosmétique français Pierre Fabre a subi une attaque par ransomware qui a gravement perturbé ses opérations : ses usines ont été à l’arrêt pendant près d’un mois, ses entrepôts fermés durant deux semaines, et l’ensemble de ses outils collaboratifs ainsi que son site web rendus inaccessibles.
Aujourd’hui, une cyberfraude n’est pas seulement un problème informatique. C’est une crise économique.
Nous entrons dans l’ère de l’industrie 5.0, un monde où se croisent l’innovation centrée sur l’homme, l’automatisation et le développement durable. Dans ce monde, la cybersécurité ne doit plus être une réflexion après coup. Elle doit en être l’architecture.
Le prochain saut doit consister à intégrer la cybersécurité dans le tissu même de notre croissance industrielle.
Nous devons cesser de considérer la cybersécurité comme une police d’assurance et commencer à la voir comme une capacité. Une capacité qui garantit le temps de fonctionnement, préserve la confiance et protège le progrès.
Cette évolution s’accompagne d’une nouvelle réalité de la cybersécurité, où opportunité et vulnérabilité coexistent.
Priorité aux évaluations de la sécurité OT à grande échelle
La cartographie des vulnérabilités dans les environnements opérationnels doit devenir aussi routinière que les contrôles de qualité ou de conformité. Un partenariat avec un fournisseur mondial de services de sécurité gérés, spécialisé dans la cybersécurité industrielle à grande échelle, peut aider les fabricants à évaluer de manière proactive les risques liés aux systèmes existants et de nouvelle génération.
Assurer l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement grâce à une cyberdéfense basée sur l’IA
Dans un environnement aussi hyperconnecté, un fournisseur numériquement faible n’est pas seulement une responsabilité, mais aussi un vecteur de menace. La cyber hygiène doit être un critère essentiel dans l’évaluation des fournisseurs. L’utilisation de centres d’opérations de sécurité (SOCs) alimentés par l’IA qui intègrent des services avancés de détection et de réponse aux menaces, y compris la surveillance continue et l’analyse par des experts, permet d’identifier les menaces connues et inconnues à l’aide de diverses techniques pour chasser les menaces. En outre, le contrôle des privilèges des tiers, en particulier lors des activités de maintenance de routine, est essentiel pour minimiser l’exposition et prévenir les mouvements latéraux au sein du réseau. Une gestion robuste des accès et des autorisations limitées dans le temps devrait être appliquées pour garantir la sécurité opérationnelle à chaque point de contact.
Adopter l’architecture Zero Trust et SASE par défaut
Les modèles traditionnels de sécurité périmétrique ne sont plus suffisants. Chaque identité, appareil et application doit vérifier sa légitimité avant d’obtenir un accès, sans exception ni hypothèse. La mise en œuvre des cadres Zero Trust Network Access (ZTNA) et Secure Access Service Edge (SASE) garantit que la sécurité est maintenue quel que soit l’endroit où résident les utilisateurs ou les applications.
Élever le risque informatique au rang d’indicateur stratégique de direction
La sécurité doit être mesurée non pas en jargon technique mais en termes d’impact opérationnel. Penser en termes d’heures de production perdues, d’atteinte à la réputation et de perturbations en aval, et pas seulement en termes de volume de données. Les solutions de cybersécurité avancées offrent désormais des plateformes d’analyse dotées d’IA/ML qui analysent de grandes quantités de données réseau en temps réel, fournissant des informations exploitables sur les menaces potentielles.
La capacité de la France à sécuriser ses usines intelligentes, ses chaînes d’approvisionnement numériques et ses écosystèmes de production interconnectés déterminera non seulement sa croissance économique, mais aussi la continuité opérationnelle de ses industries. Mais l’échelle seule ne suffit pas. Dans une économie de plus en plus hyperconnectée, la résilience est le pouvoir.
Il est important de changer d’état d’esprit. Il faut considérer la cybersécurité non pas comme une protection technique, mais comme une infrastructure industrielle, et l’échéance n’est pas en 2030. C’est maintenant.