Alors que plus de la moitié des entreprises françaises ont renforcé leurs règles de protection de la vie privée suite à l’adoption de l’intelligence artificielle (IA), près d’une sur cinq (20 %) les a assouplies, faisant de la France le seul marché étudié affichant une telle tendance, indique une nouvelle étude publiée par Zoho, une entreprise technologique internationale. 7 % de ces entreprises ont admis avoir affaibli leurs mesures de protection de façon significative.
Les conclusions de cette étude soulignent à la fois les progrès et les incohérences de l’approche suivie par la France en matière de gouvernance de l’IA. Alors que 51 % des entreprises affirment avoir renforcé leurs mesures de protection de la vie privée, la conformité aux principales règlementations demeure étonnamment faible. En effet, seulement 14 % des entreprises déclarent se conformer à la loi européenne sur l’IA et 11 % au Règlement général sur la protection des données (RGPD). Aussi, seulement 36 % des entreprises procèdent régulièrement à des analyses d’impact sur la vie privée, tandis que 32 % admettent les réaliser uniquement lorsque cela est strictement nécessaire, voire jamais.
Dans le cadre de cette étude menée pour Zoho, le cabinet Arion Research LLC a interrogé 382 chefs d’entreprise français, des petites et moyennes entreprises aux grands comptes, à propos de l’adoption de l’IA, des mesures de confidentialité, de la préparation de la main-d’œuvre et des approches de gouvernance en vue de générer un aperçu détaillé des pratiques et attitudes actuelles envers la confidentialité de l’IA dans l’Hexagone.
Bien qu’opérant dans l’un des cadres règlementaires les plus vastes, les entreprises françaises tardent à mettre ces règles en pratique. Près de 30 % ont mis en place un comité d’éthique de l’IA, 30 % procèdent régulièrement à des audits de confidentialité, et 35 % s’appuient sur des règles documentées en matière d’utilisation de l’IA. En outre, seules 12 % ont mis en œuvre un plan de réponse aux incidents en cas de défaillance des systèmes d’IA. L’allocation budgétaire reflète également cet écart de gouvernance : à titre d’exemple, seulement 21 % des entreprises consacrent plus de 20 % de leur budget informatique à la protection de la vie privée, soit nettement moins que dans les marchés émergents (30 à 40 %).
« L’approche française de l’adoption de l’IA offre des informations précieuses sur la manière dont les environnements règlementaires sophistiqués et les préférences culturelles en matière de décisions influencent la mise en œuvre de la technologie, explique Sridhar Iyengar, Managing Director de Zoho Europe. Alors que près d’une entreprise sur cinq a assoupli ses pratiques de confidentialité, les résultats mitigés sur le plan de la confidentialité soulignent l’importance d’une approche proactive de la gouvernance, contrairement à l’hypothèse selon laquelle un environnement règlementaire sophistiqué est synonyme de protection renforcée de la vie privée. Les lacunes observées sur le plan de la conformité, avec de faibles taux déclarés de respect de la loi européenne sur l’IA et du RGPD malgré des cadres règlementaires complets, suggèrent que des règlementations sophistiquées ne suffisent pas à elles seules pour garantir une gouvernance efficace de l’IA. Les entreprises ont besoin d’un soutien concret, de directives claires et de cadres de gouvernance qui traduisent les règles théoriques en pratiques quotidiennes ».
L’enquête révèle que les entreprises françaises adoptent une approche prudente et réfléchie vis-à-vis de l’intelligence artificielle. Si 77 % d’entre elles ont commencé à adopter l’IA, nombre d’organisations en sont encore aux tout débuts, se concentrant davantage sur l’optimisation des processus et l’aide à la décision que sur un déploiement rapide. Parallèlement, 22 % des entreprises françaises ont déclaré qu’elles cesseraient immédiatement d’utiliser un système d’IA en cas d’erreur, ce qui représente le taux le plus élevé de tous les marchés étudiés.
« Loin de refléter une résistance, la position prudente de la France souligne une réflexion attentive de l’impact sociétal de l’IA, ce qui pourrait constituer un avantage à l’avenir, conclut Sridhar Iyengar. Cette approche réfléchie est plus durable que les stratégies d’adoption rapide qui privilégient la célérité à la gouvernance. Les entreprises qui ont investi dans des cadres de gouvernance robustes et des pratiques de mise en œuvre prudentes seront mieux placées pour enregistrer une croissance durable de l’IA que celles qui se sont concentrées sur un déploiement rapide au détriment d’une conception réfléchie. »
Si la France opère dans le cadre des règlementations les plus avancées, ses entreprises doivent relever des défis de taille pour transformer ces règles en une gouvernance efficace. Considéré comme réfléchi, axé sur les processus et prudent, le « modèle français » de l’adoption de l’IA recèle des enseignements importants pour d’autres marchés développés qui évoluent dans un environnement règlementaire similaire.