Pourtant, face à l’urgence, nombre de collectivités pensent que la cybersécurité reste hors de leur portée : manque de budgets, de compétences expertes, découragement devant la complexité du sujet… Sur le terrain, cependant, une autre réalité s’impose : beaucoup d’outils existent déjà, mais restent sous-utilisés, faute de méthode ou de ressource.
Le premier réflexe, ce n’est pas d’investir dans de nouvelles solutions, mais bien de commencer par un diagnostic rigoureux de l’existant. Inventaire des matériels, supervision de la sécurité, gestion des accès : tout ou presque est là, même cela est souvent dispersé et rarement maximisé. Le premier pas, ce n’est donc pas de racheter du matériel mais plutôt de commencer par faire l’état des lieux de ce qu’on a. En effet, beaucoup de menaces peuvent déjà être contrées en revalorisant les bases : un antivirus moderne et bien configuré, des politiques d’accès ajustées, un pilotage plus méthodique. Ce n’est pas la technologie qui manque dans les collectivités, mais la mise en cohérence.
Pour protéger des systèmes critiques sans exploser les moyens, il est temps de remplacer la course à la sophistication par la rationalisation. Trop de dispositifs agissent en silos ; mutualiser leur supervision ou activer des modules de sécurité déjà inclus dans les solutions existantes (gestion des appareils mobiles, protection de la donnée, supervision centralisée…) permet d’aller plus loin, sans ajouter de couches inutiles ni surcharger les équipes.
Ce qui compte en effet, ce n’est pas d’avoir le dernier bijou technologique, mais plutôt de savoir tirer le meilleur de ce qu’on a déjà. Un module de gestion des appareils mobiles (MDM), des fonctions de contrôle des données (DLP), même partielles, peuvent être activés en quelques clics et offrir un cadre de sécurité opérationnel. Un EDR, par exemple, ne suffit pas à lui seul à répondre aux exigences de la directive NIS2, mais en constitue déjà les principales fondations.
Pas besoin donc de la dernière « cyber-usine à gaz » : l’efficacité passe par des solutions lisibles, souples, adaptables aux contraintes du quotidien. C’est ainsi que l’on construit réellement une sécurité durable, compatible avec la réalité du terrain.
L’autre grand écueil ? L’isolement. Entre complexité technique et urgence opérationnelle, les équipes ressentent souvent une solitude lourde à porter. Pourtant, des ressources existent. Le MOOC de Cybermalveillance.gouv.fr apporte les premiers outils opérationnels pour aborder la gestion de crise cyber, en à peine deux heures. Le dispositif public « Mon Aide Cyber » propose, lui, un diagnostic de situation avec un expert indépendant pour structurer des actions immédiates. Des dispositifs supplémentaires, à l’instar du plan CARE pour la santé, peuvent aussi inspirer des démarches de financement ou de renforcement graduel.
À cela s’ajoutent les partenaires spécialisés (MSP/MSSP ou fournisseurs de services – de sécurité - managés), capables de partager le poids de la supervision ou du tri des alertes. Bien choisis, ces alliés complètent et renforcent les forces internes, sans jamais les remplacer.
La cybersécurité des collectivités n’est donc plus l’affaire de quelques experts isolés : c’est une chaîne de coopération et de bonnes pratiques, ouverte sur des relais publics et privés. Le principal risque, aujourd’hui, ce n’est plus le manque d’outils : c’est de rester seul, par inertie ou par lassitude. Mieux vaut agir avec pragmatisme – et décider collectivement de transformer l’existant en réelle forteresse numérique.